Joueuse de haut niveau et surtout arbitre international, Claire Adenot s’est fait un nom dans le hockey sur gazon français mais aussi dans les grandes compétitions internationales. Passionnée, engagée et déterminée, Claire Adenot représente les valeurs du hockey. Mais que se passe dans la tête d’une figure telle que Claire ? Le Printemps du Hockey est l'occasion de s'entretenir avec une femme que vous avez surement croisée plus d’une fois.
FFH : Avant toute chose, bonjour Claire. Peux-tu te présenter pour les quelques personnes qui ne te connaissent pas encore ?
Claire Adenot : Je m’appelle Claire Adenot, je suis née en 1971 à Lyon j’habite à coté de Lyon, je suis licenciée au HC Charcot à Sainte Foy-Lès-Lyon et je travaille pour la Ligue Auvergne-Rhône-Alpes de hockey depuis 1999 notamment dans la gestion de projet.
FFH : Comment est arrivé le hockey dans ta vie ?
C.A : Mes grands-parents paternels jouaient au hockey sur gazon au Lyon Olympique Universitaire. Mon grand-père a été secrétaire de la section hockey quelques années. Mes parents également ont joué, c’est donc tout naturellement que j’ai commencé à jouer moi aussi dès l’âge de 6 ans. De plus, les femmes de mon club se sont créé une équipe donc même ma maman, ainsi que ma sœur, y ont joué.
FFH : Comment et où as-tu commencé le hockey ?
C.A. : J’ai commencé au L.O.U. club omnisports situé dans le quartier de Gerland à Lyon depuis mes débuts jusqu’en 2003, puis au FC Lyon de 2003 à 2014, 3 ans de hockey en salle avec l’ASVEL de 2008 à 2010 et depuis 2014 licencié au HC Charcot (résultat d’une fusion entre le LOU mon club de cœur et le CS Charcot).
Claire Adenot lors des Finales Asian Games
FFH : Que fais-tu dans la vie à hockey ? Cela a-t-il un impact sur ta disponibilité par rapport au hockey ? Comment as-tu géré les deux aspects ? Peux-tu nous parler un peu de ton parcours professionnel ?
C.A. : Je travaille donc pour la ligue AURA à temps partiel donc le hockey fait partie de ma vie professionnelle et sportive. J’ai une maîtrise de chimie (option chimie organique appliquée) donc mon parcours n’était pas vraiment censé me mener à l’encadrement sportif. Mais la passion du hockey, du terrain et l’opportunité de travailler à la Ligue ont fait que j’ai changé de direction. J’ai passé le BEES 1° en 1998 (aujourd’hui j’ai le DEJEPS par équivalence) mais mon activité concerne maintenant beaucoup plus un travail d’accompagnement, de gestion de projets (formation, arbitrage, féminisation…).
FFH : Quels rôles différents as-tu occupé lors de ta carrière hockey ? Tu es une arbitre réputée. Comment t’es venue la passion pour l’arbitrage ? Depuis quand arbitres-tu ? Que fais-tu pour t’améliorer en tant qu’arbitre ?
C.A. : J’ai occupé tous les rôles. J’ai été membre du Comité Directeur du L.O.U. omnisports pendant 4 ans. Sur le terrain, j’ai été joueuse, entraîneur, arbitre, arbitre vidéo et référent arbitre.
Actuellement je n’arbitre plus, j’ai mis un terme à ma carrière internationale en 2016 et à ma carrière en France en 2017. L’arbitrage est venue petit à petit et assez tardivement aux niveaux national et international. Comme beaucoup je trainais sur les terrains tous les week-ends et on m’a dit « prends un sifflet ». Au fil du temps j’y ai pris du plaisir et c’est devenu plus fréquent. J’ai donc tout naturellement arbitré les compétitions jeunes d’abord puis repéré au niveau national j’ai été proposé au niveau européen pour mes premiers tournois à l’époque « Trophée européen des Jeunes » U16 et 18 en Belgique.
J’ai gravi les échelons au niveau européen d’abord mon 1er tournoi senior c’était en 2003 (j’avais déjà 32 ans !) à Vienne en Autriche coupe d’Europe B puis coupe d’Europe A à Dublin la même année et ainsi j’ai participé à près de 50 compétitions jusqu’en 2016 pour environ 140 matchs arbitrés dont 94 matchs séniors (coupe des Alpes, Celtic Cup, coupe d’Europe, Champions Challenge, Champions Trophy, Coupe du Monde, Jeux Olympiques…).
J’ai obtenu mon badge d’arbitre internationale en 2004 et j'ai progressé chaque année pour devenir arbitre « world panel » le plus haut grade en 2014.
Pour s’améliorer pas de secret : pratiquer, se tenir en forme physiquement, lire régulièrement les règles, comprendre le sens du jeu, observer et regarder des vidéos de match, se regarder pour apprendre de ses erreurs, écouter les conseils des managers et surtout prendre du plaisir…
Claire Adenot lors des Jeux Olympiques de Londres en 2012
FFH : Qu'est-ce qui vous plait dans cette fonction ? Être joueur de haut niveau sert à arbitrer ? Est-ce difficile de concilier cette passion, ta vie professionnelle et familiale ?
C.A. : Cette fonction me va bien car pour ceux qui me connaissent je suis assez à cheval sur les règles en général mais en même temps j’ai assez d’empathie pour être juste. J’ai arbitré et joué en même temps très longtemps. J’ai arrêté de jouer vraiment en 2006 je crois quand j’ai commencé à être à un bon niveau à l’international mais j’ai conservé la saison hivernale pour jouer en salle. Si l’on veut vraiment s’impliquer dans l’arbitrage on ne peut jouer et arbitrer en même temps (en tout cas pas au même niveau). Il faut faire des choix, pour moi il a été clair que j’avais la possibilité d’accéder au haut niveau par l’arbitrage et de vivre un rêve : participer aux JO (j’ai réalisé ce rêve en 2012 et pour cela je suis fière).
FFH : Quand tu joues, protestes-tu auprès de l’arbitre ?
C.A. : Depuis l’arrêt de ma carrière d’arbitre je rejoue avec mon club. Quand je joue en général non je ne proteste pas je sais ô combien il est difficile d’arbitrer ! Être joueur de haut niveau sert très certainement à avoir une lecture du jeu plus fluide, peut-être une meilleure appréhension de l’avantage mais être arbitrer c’est plus que cela : mobilité, déplacements, communication, gestuelle… et cela s’apprend dans les formations d’arbitrage !
Claire Adenot lors des Jeux Olympiques de Londres en 2012
FFH : D’un certain point, tu représentes le hockey français à l’international, est-ce une pression supplémentaire ? Ton meilleur souvenir de hockey en tant qu’arbitre ? De quoi es-tu le plus fier ?
C.A. : Pour les compétitions internationales, oui c’est une vraie pression (spectateurs, télévision depuis plusieurs années avec arbitrage vidéo, des équipes très affutées, etc.) mais en même temps nous sommes très soutenus, encadrés et protégés et les équipes ont une bonne vision des arbitres à ce niveau car elles sont conscientes aussi que si l’on est présent c’est que l’on dispose des capacités nécessaires pour évoluer à ce niveau.
Mon meilleur souvenir sans aucun doute est les Jeux Olympiques de Londres : outre les 5 matchs que j’ai arbitrés (4 matchs de poule et 1 match de classement) l’ambiance était exceptionnelle partout, j’ai pu voir d’autres sports aussi ! L’arbitrage m’a permis aussi de voyager beaucoup (Tous les pays d’Europe, Argentine, États-Unis, Russie, Afrique du Sud, Corée du Sud, Inde…) mon seul regret est de n’avoir effectué aucun tournoi en Océanie.
FFH : Quel regard portes-tu sur l’arbitrage français aujourd’hui ? Quelles choses pourraient être améliorées selon toi ? Quelles sont les principales différences entre le hockey international et le hockey français ? Cela influence-t-il ton arbitrage ?
C.A. : J’ai un regard assez critique je l’avoue même si je peux comprendre les difficultés de mise en place. L’arbitrage français aujourd’hui est malade : peu ou pas d’arbitres, un manque de sensibilisation des jeunes à l’arbitrage, une faible mobilisation des clubs et de leurs dirigeants, une dégradation du comportement des équipes et de leurs entraîneurs.
Il faut une vraie prise de conscience collective et de tous les acteurs du hockey sur l’importance de l’arbitrage : sensibiliser les plus jeunes et leurs parents, impliquer les jeunes dans cette fonction le plus possible (entraînements, plateaux, tournois.), valoriser la fonction, sanctionner les mauvais comportements (sanctionner vraiment !) en particulier les joueurs et entraîneurs de haut niveau. De plus, il faut sensibiliser les clubs avant tout. La nouvelle équipe fait de belles choses et toutes les Ligues, comités et clubs vont devoir s’y mettre. Aux Pays-Bas, la formation à l’arbitrage est dans la formation d’un joueur. J’aimerais qu’on ait cette même approche en France. Un joueur doit connaître les règles du jeu, c’est évident. Enfin, il est essentiel de sensibiliser et former les éducateurs.
Claire Adenot lors du Championnat d'Europe A Dames de 2011
FFH : Pour vous, quelles sont les valeurs véhiculées par la pratique du hockey et qui rendent ce sport attractif ? Que t’inspire les JO en France pour le hockey ?
C.A. : Le hockey doit retrouver les valeurs qui sont les siennes : respect, Fair-play, familiales, amitiés. Les Jeux Olympiques en France seront une belle vitrine si nos 2 collectifs participent.
FFH : Comment inciter de jeunes hockeyeurs/euses à prendre le sifflet ? Que peut-on te souhaiter pour les semaines et mois à venir ? Quels sont tes projets ?
C.A : Pour les jeunes, il faut intégrer l’arbitrage à tous les entraînements, valoriser la fonction, faire arbitrer les jeunes en binôme avec un arbitre expérimenté. Pour les semaines à venir ce que nous espérons tous : retourner sur les terrains pour jouer, arbitrer, encadrer, former et surtout retrouver toute la famille du hockey. Mes projets : relancer toutes les activités au niveau régional, revivre normalement, voir les copains, boire un coup à une terrasse !
FFH : Enfin, comment ne pas vous demander, dans le cadre du Printemps du Hockey féminin, votre regard sur l’arbitrage féminin ?
C.A. : Il en manque, très clairement. Nous sommes inquiets sur la présence des arbitres aux JO 2024 même masculin. Valorisons la fonction « arbitre », parlons des possibilités d’évolution et de valorisation et pas sur le peu d’argent que l’on peut gagner. Montrer la passion. Je me suis arrêté à temps, sur une belle compétition et au top. Pour moi et pour le jeu.
Nous tenons remercier Claire Adenot pour cet entretien réalisé avec l’ancien arbitre international. Son regard critique mais passionné est un atout pour le hockey français.