Depuis 6 mois et jusqu’aux JO de Paris, les Équipes de France Dames et Hommes sont accompagnées par Christophe Lehoux, préparateur mental professionnel. Présent à Prague et à Mönchengladbach, Christophe a participé au bel été du hockey français qui a atteint tous ses objectifs. Même démarche pour le club Paris Jean Bouin qui a confié à Henri-Claude Lambert la gestion de la préparation mentale de l’ensemble des équipes du club depuis plus de 3 ans. Rencontre.
Imaginez-vous, nous sommes le 11 août 2024, et votre équipe est en finale des JO de Paris, 3 buts partout, 60ème minute, l’arbitre vient de siffler un stroke en votre faveur et vous êtes chargé de tirer… le stroke du titre olympique ! Techniquement, aucune difficulté, vous maîtrisez parfaitement ce geste que vous avez répété des centaines de fois à l’entraînement. Le vrai problème est ailleurs… dans la tête : comment je peux améliorer ma confiance en moi. C’est le principe de la visualisation positive (à l’image du tir entre les poteaux au rugby), de la concentration et de sa capacité à faire le vide autour de soi.
S’entraîner à la préparation mentale
C’est un des aspects de la préparation mentale qui consiste à renforcer la force mentale de l’athlète pour qu’il soit capable de réagir le mieux possible dans des situations souvent complexes et parfois adverses. Lapréparation mentale est un entraînement qui consiste à développer les habiletés mentales et cognitives dans l'objectif d'optimiser la performance personnelle (ou collective) des sportifs tout en favorisant le plaisir de la pratique et l'autonomie. « Préparer un sportif de haut niveau, c’est comme préparer un professionnel à un défi important, souligne Henri-Claude Lambert, il y a l’épaisseur d’une papier à cigarette entre ces 2 mondes. Le coaching mental des sportifs est né aux USA dans les années 70 pour augmenter la performance des athlètes déjà très compétitifs (spirale positive) ».
Une démarche construite et structurée
« Les staffs des 2 collectifs Dames et Hommes étaient demandeurs d’une approche mentale construite et structurée pour compléter tout le travail déjà accompli sur la recherche de performance, précise Christophe. Nous avons monté un dispositif individuel, puis collectif, basé sur la gestion émotionnelle : améliorer le comportement / renforcer la cohésion d’équipe / faire en sorte que chaque coéquipier soit en mesure de répondre présent aux exigences de la compétition. Dans le cadre du projet des JO, chaque athlète se prépare à construire son projet individuel pour l’insérer dans le projet de performance diététique, physique, technique et mentale ». L’objectif, à terme, est de délivrer aux athlètes des outils qui puissent leur permettre de solutionner eux-mêmes une difficulté mentale ou une baisse de concentration.
Individuel et collectif
« Tous les participants ne sont pas au même niveau de maturité sur la préparation mentale, il s’agit de tenir compte le plus possible des attitudes individuelles, renchérit Henri-Claude. Chacun se jauge et analyse sa réaction face aux émotions. L’individu doit comprendre ses émotions de base (joie, colère, tristesse, peur…). Si cela peut paraître simple, la vraie difficulté est que ces émotions se croisent et qu’un mix colère/joie, par exemple, peut se traduire en comportement d’agressivité, de la peur associée à de l’anticipation conduit à une attitude soumission ou d’abandon sur le terrain ». Mais le hockey est un sport d’équipe, la notion collective est donc primordiale : « Les acteurs du groupe doivent définir eux-mêmes les objectifs de l’équipe avec leurs mots et leurs ambitions, en relation avec le projet du staff et du club. Le coach mental les aide à décider eux-mêmes de ce qu’ils ont envie de réaliser collectivement ». C’est ce que Henri-Claude appelle le contrat tripartite qui permet de déterminer un cadre et d’en fixer les limites : « le coach mental écoute les joueurs/ l’entraîneur sportif exprime ses attentes particulières/ les joueurs sont écoutés et leur expression fait partie intégrante du contrat ». Rappelons que toutes les démarches individuelles sont confidentielles et basées sur le volontariat.
Préparation mentale à Calais.
Au plus proche du terrain
« J’ai besoin de bien connaître la discipline et de la comprendre (écoute, entretien), même s’il y a beaucoup de points similaires entre les sports, en matière de préparation mentale, rappelle Christophe. Le hockey est un sport sans contact, où il y a beaucoup de contacts ! et de nombreuses phases de jeu sont soumises à l’évaluation des arbitres, il s’agit donc de gérer au mieux certaines émotions comme la frustration ou l’agacement. Mais il y a aussi des phases de concentration individuelle technique et tactique, comme le PC. Il n’est pas rare que juste après un match, nous réunissions l’équipe pour verbaliser la performance du match passé, ce qui découle sur des axes de travail en collectif ou en petits groupes. Et, bien sûr, toujours la possibilité de en face à face pour débriefer cette fois la performance individuelle de l’athlète ». L’objectif étant de faire en sorte que les collectifs Dames et Hommes soient en capacité de maîtriser leurs émotions lors des JO de Paris, jamais joués depuis 1972 et qui plus est, à la maison ! « Grands événements/Grandes émotions, nous travaillons le mental pour palier notre évident manque d’expériences en ce domaine ! »
Une mission de longue haleine
Partie intégrante des staffs des 2 équipes de France, Christophe est présent 2 fois par mois à Wattignies lors des rassemblements hebdomadaires des équipes. 3 jours et demi qu’il consacre à de nombreux entretiens individuels, à des phases d’écoute et d’observations : « apprendre à mieux se connaître et à mieux connaître ses habiletés, rechercher et trouver des axes de progrès, développer l’estime de soi et la confiance en soi – je suis légitime en équipe de France ». Pour Henri-Claude au Paris Jean-Bouin, « nous organisons des séances théoriques collectives avant le début de la saison avec les équipes Élites Dames ou Hommes pour fixer les objectifs, que nous réajustons ensuite ensemble en cours de saison (exemple : l’équipe veut améliorer son efficacité dans le cercle adverse ou son ratio de réussite sur PC). Pour les jeunes , nous attendons quelques semaines que les groupes soient constitués et se connaissent pour les réunir lors d’une séance théorique collective, en dehors de l’entraînement terrain ». L’accompagnement sur le terrain reste bien sur primordial pour la mise en action.
Des indicateurs de performance
D’un point de vue macro, le meilleur indicateur, ce sont les résultats obtenus par l’équipe, à mettre surtout en relation des objectifs que le groupe s’est fixé. Côté micro, Christophe est particulièrement attentif à « la sérénité des joueuses, joueurs, sur le terrain à leur engagement, à la maîtrise de leur geste et de leur comportement : donner corps à son projet personnel, s’épanouir au sein de l’équipe, réagir positivement lors de situation complexe… ». Pour Henri-Claude, en club, « je suis des indicateurs comme le nombre de cartons reçus sur une saison, la manière dont les joueuses, joueurs échangent entre eux (entraide, encouragement, camaraderie), surtout chez les jeunes. J’analyse les prises de risque individuelles, ce que je vais oser faire, et les réactions des co-équipiers (« je suis là juste derrière toi » au lieu de : « passe ta balle ! »), le nombre d’autocritiques ( je suis nul), les éventuels jets de crosse ou gestes d’énervement à l’approche du banc de touche… Enfin, Henri-Claude constate que les équipes jeunes sont très réceptives et très participantes, leurs progrès sont immédiats, à la grande surprise de leur parents !».
Enfin, Christophe souligne la nécessité de co-construire le programme de préparation mentale avec l’ensemble du staff technique, tactique, physique et, bien sûr médicale. ET de conclure, sous forme de boutade : « Le premier préparateur mental, c’est le kiné ! C’est celui qui passe le plus de temps individuel avec les athlètes ! »
La préparation mentale au coeur de l'Équipe de France
Portraits :
Christophe Lehoux, 46 ans
Ancien directeur sportif dans le football professionnel (après des études de STAPS). Autodidacte très sensibilisé aux bienfaits de la préparation mentale pour l’atteinte des performances (DEA et DESS) : mieux comprendre l’approche systémique de la pratique sportive? Plusieurs années avec une équipe de pongistes à Tours, puis pôle espoirs avant de prendre en charge la préparation mentale de l’équipe professionnelle de Volley à Tours, 2007/2018 (plusieurs titres France et Europe) et de l’Équipe de France de Volley entre 2013 et 2017 (épopée européenne, JO de Rio…). Activité 60% en entreprise, manager des dirigeants d’entreprise pour les aider à mieux performer – se rapproche du sport, défi…
Henri-Claude Lambert, 63 ans
Coach professionnel certifié et coach praticien senior, depuis 2019 via l’école française de coaching, et cycle de formation ‘’Leading for tomorrow’’ par l’université américaine Duke, Henri-Claude a dirigé des activités stratégiques dans de grands groupes pharmaceutiques, et conduit des équipes multiculturelles au succès dans le monde entier. Formé entre autres aux techniques de PNL et d’analyse transactionnelle, il a pu expérimenter le « gagner avec le cœur des hommes » et « la force mentale, pour les sportifs, mais pas que … » tout au long de sa carrière professionnelle. Hockeyeur dès le plus jeune âge, il consacre aujourd’hui 30% de son temps bénévolement aux collectifs du Paris Jean Bouin dès l’âge de 12 ans et à la préparation mentale des équipes Dames et Hommes U18 et U21 France en vue de leurs échéances internationales.
Les 3 étapes de la préparation mentale
- L’Éducation comprendre les mécanismes de l’approche mentale dans le sport sport amateur/jeunes --> Niveau actuel du hockey français
- Préparation psychologique pour les centres de formation sportive au cours desquels les jeunes sportifs construisent leur personnalité d’athlètes de haut niveau --> Niveau actuel du rugby
- Préparation mentale : donner à l’athlète une boîte à outils et un mode d’emploi pour une utilisation immédiate --> Niveau Teddy Riner
