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Au sein du club de Saint-Maur, il existe un entraineur/formateur qui opère une méthode peu commune. Malgré un petit club qui n’a pas de terrain mouillé, Vincent Le Croller sait comment motiver les jeunes et surtout, bonifier leur progrès avec une méthode très intéressante, la « gamification ». 

 

Bonjour Vincent, peux-tu te présenter ?

Vincent Le Croller : « Je m’appelle Vincent Le Croller, après des années passées au sein de la DTN de la FFH, je suis depuis 2 ans chargé de formation à l’INSEP et je donne un peu de mon temps au club de St Maur. »

 

Peux-tu définir ce qu'est la gamification ?

V.L.C. : « C’est le fait de rendre ludique une situation. »

 

Quels sont les avantages (et inconvénients ?) de la gamification ?

V.L.C. : « Les avantages sont nombreux, en présentant les choses sous forme de jeu, on peut susciter la motivation autrement, c’est plus facile de définir des étapes intermédiaires. Dans la plupart des jeux, il y a des niveaux à valider, des items à trouver, des territoires à explorer, des énigmes à résoudre… les options sont multiples. Ça renvoie aussi à des choses que les gens connaissent, même si c’est contextualisé différemment, du coup il y a une part de maîtrise qui est déjà sous-jacente, c’est souvent plus facile de s’engager quand on ne va pas complètement dans l’inconnu.

Aujourd’hui, je ne vois pas vraiment d’inconvénients à ce principe, je crois que quand on est joueur, on peut trouver de la motivation dans toute situation. Peut-être qu’avec le temps, je trouverai des inconvénients. »

 

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Entrainement de jeunes - Isabelle Esteve

 

Comment as-tu connu cette façon de faire ? 

V.L.C. : « En fait je connais le terme depuis peu mais la façon de faire… ça fait plus de vingt ans ! j’ai suivi une formation de prof d’EPS en parallèle de mes Brevets d’Etat, j’ai également travaillé dans l’animation donc j’ai pu développer et expérimenter de nombreuses approches ludiques pour favoriser l’apprentissage. Par la suite, j’ai été impliqué dans la formation de cadres de tous niveaux, des diplômes fédéraux aux entraîneurs nationaux, en passant par les éducateurs territoriaux et les profs des écoles, cela m’a permis de partager encore plus d’expériences. En tant qu’entraîneur de hockey, j’ai à cœur de ne pas tomber dans des routines lassantes, si la répétition est incontournable pour l’apprentissage et la progression, je trouve que « faire toujours la même chose, jamais de la même façon » est une idée forte que je rends à Gaël Foulard et Philippe Gourdin avec qui j’ai eu la chance de travailler souvent. Que ce soit au CREPS de Châtenay ou à l’INSEP, il y avait toujours une part de jeu dans nos séances, surtout si elles étaient éprouvantes, sous forme de challenge, ça passe mieux.

Il y a quelques années, François Béraud m’a présenté son travail de sensibilisation des clubs franciliens à la problématique de fidélisation, il m’a associé à ses réflexions dans le but de chercher des solutions à la perte de licenciés. Le hockey est un sport très technique que la plupart des clubs abordent par l’aspect compétitif, ce qui ne convient pas forcément à tous les enfants et beaucoup abandonnent au bout d’un an, plus de 70% ne font pas plus de 3 ans.

Avec le premier confinement de 2020 puis les conditions sanitaires de retour à la pratique, j’ai essentiellement proposé aux joueuses et joueurs de St Maur des situations de travail technique individuel, ce qui n’était pas forcément très ludique d’emblée alors j’ai lancé des défis aux enfants. Vitesse, précision, habileté, équilibre… ils se filmaient et échangeaient leurs prestations sur les groupes WhatsApp, ils pouvaient voter pour décider qui avait le mieux relevé le challenge, ça a entretenu une bonne dynamique. François m’a demandé comment on pouvait imaginer une « gamification » de l’apprentissage du hockey, c’est à ce moment que j’ai découvert le mot ! »

 

Que mets-tu en place dans le cadre du développement et apprentissage de la pratique ? 

V.L.C. : « Lorsque j’étais en poste à la FFH, j’étais en charge du pôle de l’INSEP, manager des U21 et responsable des formations. L’une de mes premières missions en 2012 était de remettre à plat la formation des entraîneurs, Cédric Detaeye a fait un très gros travail sur l’ingénierie des diplômes fédéraux, je me suis occupé des diplômes d’Etat. L’enjeu était d’articuler les différents cursus entre eux, respecter une hiérarchie de progression, de champs d’intervention et d’établir des passerelles d’un parcours de formation à l’autre. Cela a permis de dynamiser les formations dans plusieurs territoires. Cinq ans plus tard, fort du travail mené à l’INSEP et avec les équipes de France, j’ai souhaité reprendre cette ingénierie pour remettre à jour les contenus de formation, au regard du modèle de performance que j’avais pu développer en affinant ma vision du haut niveau. En outre, la réglementation en matière de formation avait évolué et il était alors important de remanier les cursus pour les rendre plus modulables, plus accessibles, plus étoffés. Malheureusement, je n’ai pas pu mobiliser les moyens pour aller au bout de mon idée.

J’ai changé de boulot fin 2019 et pendant les week-end du confinement, j’ai organisé la formation à distance des éducateurs du club de St Maur. Dans ce contexte, j’en ai profité pour formaliser ma vision des choses, la déclinaison de mon modèle de performance à l’échelle de chaque catégorie, la formation d’un entraîneur au service de la formation d’un joueur au service de la performance d’une équipe.

Chaque aptitude est à développer avec des situations d’apprentissage, chaque situation peut être proposée sous forme de jeu. L’idée principale étant de permettre la progression de tous en laissant à chacun le temps nécessaire à son évolution, à travers le jeu, la motivation est boostée. »

 

Quel est le public ? Comment ta vision a évolué sur le sujet ?

V.L.C. : « Je m’adresse à toute l’école de hockey, des U8 aux U14. J’ai fixé un certain nombre d’objectifs physiques, techniques, voire tactiques pour chaque catégorie et avec les éducateurs du club, nous organisons chaque séance pour permettre aux enfants de développer les compétences en lien avec ces objectifs.

Chaque samedi avant les vacances scolaires, nous mettons en place une matinée dédiée à l’évaluation de ces compétencessous forme de grand jeu. Le but est de décrocher le « Fanta stick », ce qui n’est possible qu’en ayant validé les différents niveaux de jeu. Un niveau renvoie à une compétence (habiletés motrices, vitesse sans la balle, vitesse avec la balle, habiletés complexes, tirs au but, qualité de l’enchainement transmission / contrôles…), une compétence renvoie à plusieurs ateliers.

 

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Exemple d’exercices et de parcours proposés dans la catégorie vitesse et agilité

 

Un atelier implique une ou plusieurs tâches techniques et est chronométré, si l’atelier est effectué suffisamment rapidement, il est validé. Nous avons déterminé un barème pour chaque atelier et pour chaque catégorie d’âge. Il y a plus de 25 ateliers donc les enfants ne peuvent pas tout valider en une matinée, l’idée c’est que le jeu dure toute l’année et à chaque changement de catégorie, on repart sur un nouveau barème, certaines épreuves sont identiques, d’autres sont complexifiées. Enfin, pour corser le tout, le barème précise un temps de validation simple et à l’instar des niveaux en ski, il y a aussi un temps de validation avec une, deux ou trois étoiles, pour les plus rapides. Le « Fanta stick » ne peut être décroché que lorsque tous les ateliers sont validés avec trois étoiles, si les plus aguerris peuvent y arriver chaque année, il y a aussi de la place pour les enfants qui auront besoin de plus de temps pour développer leurs compétences. »

 

Voici un exemple de fiche réalisée

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Est-ce que tu aimerais aller plus loin ? Comment vois-tu le développement de la pratique dans les prochaines années ? 

V.L.C. « Oui bien sûr ! Ce projet ne reflète que ma vision dans le contexte du club de St Maur, je n’ai pas la prétention d’avoir pensé à tout et j’aimerai beaucoup la confronter, j’ai présenté ce travail à quelques responsables d’écoles de hockey. Si je me cantonne à l’Île de France, le Racing, le PJB, le CAM, St Germain et Asnières ont des écoles de hockey très performantes, je suis curieux de connaitre leur regard.

Pour l’instant, j’ai formalisé ma vision de manière très basique, je suis sûr que passé entre les mains d’un graphiste, cela pourrait avoir une toute autre allure. Sur le fond, il y a forcément des améliorations à porter, elles viendront avec le temps, il faut bien essuyer les plâtres !

Le hockey ne cesse d’évoluer, on le voit en ce moment avec la Pro League, une intensité très élevée, des habiletés techniques exécutées à très haute vitesse, beaucoup d’amplitude et de précision dans les gestes, les connexions interindividuelles se font dans des situations toujours plus complexes, impliquant plus de jeu aérien et de techniques 3D. C’est génial que l’Équipe de France puisse évoluer dans cette dimension, j’ai grand plaisir à voir jouer les Bleus à ce niveau.

Concernant la pratique loisir, il n’y a pas vraiment de limite, tant qu’on joue avec une crosse et une balle, ça reste du hockey après tout et si on veut se développer, cela passe par le recrutement et la fidélisation. Cela fait maintenant un moment que des pratiques alternatives ont émergé, après le beach hockey et le hockey 5, c’est le panna hockey qui explose, on peut jouer sur tous les paramètres, jouer avec un mini ballon si le terrain ne permet pas à une balle de rouler correctement, mettre des obstacles sur le terrain, ajouter des cibles en plus des buts…

On peut attribuer des rôles ou des « pouvoirs spéciaux » aux joueurs sur la base d’un tirage de cartes ou d’un lancer de dé avant de commencer la partie (but compte double, but annulé, perte de balle, même joueur joue encore…), on peut s’inspirer des règles de jeux de société, de jeux vidéo, d’autres sports, Nicolas Gaillard a fait une intervention très intéressante sur ce point en décembre dernier.

Un excellent outil que j’espère voir arriver très vite en France, ce sont les skill parks, pour reprendre le mot d’ordre de la société Csign, « avant tu t’entraînais sur le terrain, maintenant c’est le terrain qui t’entraîne », le développement passe par la médiatisation et avec le plan de financement des équipements de proximité lancé par le gouvernement, il y a un virage à ne pas louper. Je crois que les récents partenariats vont dans ce sens. »

 

 

La FFH tient à remercier Vincent Le Croller pour la transparence, la précision et le partage de ce qu’il met en place au sein du club de Saint-Maur. Vincent Le Croller peut être contacté à l’adresse Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

 

 

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